Rue Huvelin, un film ambitieux

L’avant-première de Rue Huvelin a eu lieu ce Mercredi 16 Novembre 2011 au Metropolis (cinéma Sofil), où étudiants, participants à la réalisation du film, politiciens, journalistes, professeurs et hommes religieux se mêlaient à de jeunes filles portant des T-Shirts “<3 Huvelin” (Love Huvelin), jus et petits-fours à la main. Les invités avaient le choix entre films à  sous-titrages français ou anglais présentés chacun dans une des deux salles du cinéma de Sofil.
Rue Huvelin est une oeuvre fictive oui, mais qui est basée de très près sur une aventure estudiantine libanaise, celle d’un groupe de jeunes plein d’énergie et d’entrain à l’époque de l’occupation syrienne au Liban, qui se réunissent rue Huvelin, celle du campus des sciences sociales de l’USJ (Université Saint Joseph).
Les personnages principaux, tous étudiants de l’USJ, se répartissent entre sa faculté (son hall, ses escaliers, sa salle 303…), les boites de nuit de la rue Monot, le foyer, un café… La rue Huvelin, où se passent quasiment tous les évènements du film, est baptisée ainsi en honneur du Professeur Paul Huvelin (juriste) à l’origine de la naissance de la faculté des sciences sociales de l’USJ et de son projet “oeuvre de paix et de vie” qui nous rappelle la paix et la vie auxquelles aspirent les jeunes étudiants de ‘Huvelin’.
Le film commence par des images documentaires réelles des manifestations estudiantines qui eurent lieu sur cette rue mythique. Puis, tout d’un coup, on est transporté dans une ambiance étouffante à la découverte du premier personnage du film: Yves, journaliste et photographe, qui se retrouve dans un pétrin duquel il s’affranchit avant de débuter sa journée, rejoint par ses multiples camarades. On est absorbé, petit à petit, par les personnages du film, et on retire le voile de leurs personnalités à fur et à mesure que l’on s’approche de la fin du film. Une fin qui n’est qu’une note d’espoir toujours suspendue.
Le film est construit autour de sept personnages principaux, tous jeunes acteurs et amateurs: Charbel Kamel ‘Yves’, le journaliste-photographe, Robert Cremona ‘Joe-Daniel’, l’étudiant forcé à émigrer, Carmen Bsaibes ‘Yasmine’, la fille réservée, Jimmy Keyrouz ‘Serge’, le délégué de classe, Anthony Azeir ‘Wadih’, le coureur, amoureux de ‘Carla’ Stéphanie Haddad, fille insouciante et ‘Firas’, l’ami de ‘Wadih, joué par Wael Morcos, auxquels s’ajoutent en rôles recondaires ‘Abou Leil’ (Adel Karam) et ‘Nada’ (Betty Taoutel).
Le rythme du film est saccadé entre moments de peur, de rire et de larmes. On est emporté par le tumulte estudiantin de l’époque, reflétant celui que vivaient tous les Libanais face à un régime qui occupait non seulement leur territoires mais aussi toutes les structures du pays. Les étudiants de ‘Huvelin’ se joignirent alors à d’autres jeunes Libanais afin d’exprimer librement leur pensée. Même si le film fut réalisé avec un budget restreint, il sut préserver la mémoire de ces évènements réels tout en soulignant l’importance des démarches des étudiants aux débuts timides mais farouches qui culminèrent quelques années plus tard lors des grandes manifestations après l’assassinat de Rafic Hariri. Mêmes drapeaux, mêmes slogans qui se furent entendre, cette fois-ci, par tous les Libanais.
En me documentant au sujet de ces manifestations estudiantines, je suis tombée sur un blog écrit par Michel Hajji Georgiou qui me rappelle le personnage fictif de Yves. Sur ce blog un article parle de la marche estudiantine et du sit-in devant le Musée National (autre lieu symbolique) qui, d’après le journaliste, furent couverts par seulement l’Orient-le Jour et la MTV. D’ailleurs, des images documentaires du film rappellent la fermeture de cette chaîne qui participa avec ‘Né à Beyrouth‘ à sa production. Comme d’habitude, quelques scènes jugées non convenables pour le public libanais (!) furent coupées de la version cinématographique du film. J’espère qu’une intégrale sortirait au moins sous forme de DVD. Un des points les plus forts de ce film est sa bande son, créée par Christopher Slaski et Alexis Rault.
A la base de l’idée de “Huvelin” est un jeune libanais ‘ex-Huvelin’, Maroun Nassar, qui déclara lors d’un entretien sur la question de l’avenir du cinéma Libanais: “Malgré les difficultés, bien évidemment qu’il reste du potentiel. Il faut bien chercher. Je crois en une nouvelle vague de jeunes réalisateurs humbles qui, en peu de moyens, pourront nous montrer quelque chose de différent mais surtout quelque chose qui me tient le plus à cœur: quelque chose d’authentique”.
Pour cela, il choisit comme réalisateur le prestigieux Mounir Maasri, supporteur de ce projet ambitieux de jeunes étudiants voulant écrire avec leur propres mots, images et expériences l’histoire du Liban qu’ils vécurent et à laquelle ils participèrent.

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